Retour sur la Journée Timor à l'Université de Nantes
Publié le 2009/11/01
Journée Timor-Leste au Festival CinéLuso à Nantes, 16 octobre 2009
Dans le cadre de son festival annuel de cinéma lusophone, le Département de portugais de l'université de Nantes, en partenariat avec l’association Univers.Luso, a consacré, pour la première fois, une journée au Timor-Leste. Cette journée a été conçue grâce aux suggestions et contacts fournis par l'association France-Timor Leste.
Structurée par la présence pendant toute la journée de Christine Cabasset, docteur en géographie et chercheur sur le Timor, la rencontre s’est déroulée en deux temps et en deux lieux, à la faculté de Lettres de l’université pour l’ensemble de la journée autour de deux films de Max Stahl, s’adressant aux étudiants en LEA (Langues Etrangères Appliquées) et en LLCE (Langues, Littératures et Civilisations Etrangères), rejoints l’après-midi par des personnes extérieures, fidèles du Festival, et le soir, pour une séance publique, au cinéma Le Concorde, autour de la projection du film « Gold Men » réalisé par Sébastien Viaud.
C’est Christine Angoujard, Déléguée INA (Institut National de l'Audiovisuel) Atlantique, partenaire du festival, qui a ouvert la journée en présentant les missions de l’INA et les évolutions de cette institution de réputation mondiale qui fête en 2009 ces 50 ans d’existence. Un autre lien réunissait l’INA et CinéLuso Nantes en ce jour consacré au Timor-Leste : l’INA est en effet partenaire du Centre Audiovisuel Max Stahl Timor-Leste, basé à Dili, pour la conservation (numérisation), la valorisation et la diffusion des images du CAMSTL. A ce jour, environ 200 heures de films sont déjà disponibles sur son site professionnel inamediapro (accès réservé). A terme, ce sera plus de 1 000 heures qui seront ainsi sauvegardées et disponibles. Par ailleurs, une sélection d’extraits est déjà accessible à tous sur le site public www.ina.fr (sur requête « timor » dans le moteur de recherche). La sauvegarde de ces images a d’autant plus de valeur que la majorité des supports matériels de la mémoire ont été détruits durant l’histoire récente, et que les conditions de pérennité des images qui existent toujours, celles du CAMSTL notamment, restent fragiles, soumises aux dégradations accélérées par la chaleur et l’humidité du climat tropical du pays. Au-delà, c’est la sauvegarde de la mémoire du pays qui est en jeu (lire l’entretien de Max Stahl sur le partenariat avec l’INA dans la Lettre 74 / été 2009 de l’AFRASE).
[Sur le site de l'association France-Timor Leste on peut écouter une interview de Max Stahl à l'antenne de Radio Alfa : http://timor-france1.blogspot.com/2009/02/maxstahl.html]
C’est par la projection de « The troubleshooter » que les étudiants découvraient ce jour-là, pour la plupart, l’existence du Timor-Leste. Ce film court (9’), consacré à Max Stahl et tourné en ce « septembre noir » de 1999, a constitué une excellente base pour parler du travail de Max Stahl et de l’histoire récente du Timor-Leste. Ce film a d’ailleurs été projeté deux fois, pour les deux groupes d’étudiants qui se sont relayés dans la matinée.
Le Timor-Leste, colonie portugaise jusqu’en 1974-1975, est envahie par l’armée indonésienne le 7 décembre 1975, puis annexée par l’Indonésie au titre de 27è province, jusqu’en 1999. Le conflit, violent, qui oppose pendant 24 ans l’armée et les résistants timorais, s’est soldé par la mort de 180 000 Timorais.
Max Stahl, figure emblématique du Timor-Leste, est journaliste et, en tant que grand reporter, il a couvert divers conflits dans le monde avant d’arriver au Timor-Leste en 1991. C’est lui qui a filmé, le 12 novembre de cette année-là, le massacre du cimetière de Santa Cruz, durant lequel 200 jeunes ont été tués par l’armée indonésienne (et entre 200 et 300 « blessés » et « disparus », tués dans les jours qui suivront). Ce sont ces images qui ont fait le tour du monde, amenant un irrémédiable changement dans la perception internationale du « problème du Timor ». Revenant régulièrement dans le pays pour témoigner de la résistance à l’occupation indonésienne, Max Stahl était également sur les lieux au moment de la consultation populaire du 30 août 1999 par laquelle les Est-Timorais devaient se prononcer pour l’indépendance ou pour l’intégration à l’Indonésie. A l’annonce des résultats (4 septembre), très clairs - 78,5% des gens ont voté pour l’indépendance - l’armée indonésienne et les milices qu’elle a armé, déclenchent une opération de violences et de destructions de grande ampleur sur le territoire : les infrastructures ont été détruites à 80%, environ 1 400 timorais ont été tués, et 300 000 personnes ont été emmenées de l’autre côté de la frontière, au Timor occidental. Max Stahl filme la terreur, Dili qui se consume dans les flammes, il est sur les lieux au lendemain des massacres de masse commis à l’église de Suai, à Liquiça, à Dare…
Max Stahl est le fondateur et le directeur, depuis 2003, du Centre Audiovisuel qui porte son nom. Le fonds documentaire se compose des images qu’il a tourné entre 1991 et 1999, et d’images plus récentes, sur la construction du pays, et notamment depuis son accession à l’indépendance, le 20 mai 2002. Santé, éducation, politique, maternité, football, enquête sur le massacre de Santa Cruz… le CAMSTL filme le quotidien du pays dans ses différentes facettes. Max Stahl a été décoré par le Président de la République, le 30 août 2009.
L’après-midi prend appui sur la projection du film « Justice denied » (40 mn). Ce film, tourné en juillet 2002, porte sur le travail d’investigation que mène alors Max Stahl, et d’autres personnes, comme José Belo (alors résistant, torturé par des membres de l’armée indonésienne et journaliste aujourd’hui, lui-aussi décoré le 30 août dernier) sur les crimes commis dans le pays, notamment en 1999… Ce film dépasse bien sûr le seul cadre de l’année 1999 et pose la question de la justice pour toutes les victimes, un dossier toujours actuel et qui a constitué la base à une discussion sur le thème de la justice au Timor-Leste aujourd’hui. Les questions ont été également nourries sur l’évolution du pays dans ses autres composantes, des ressources économiques, à la politique sociale, ou à la coopération internationale.
La rencontre « Timor » s’est poursuivie en soirée au cinéma Le Concorde, en présence de Sébastien Viaud. Professeur d’Education Physique et Sportive, Parisien aujourd’hui mais originaire de Nantes, Sébastien a eu envie de partir sur les traces des lauréats du prix Goldman remis chaque année depuis 1990 à des personnes qui se sont distinguées pour la protection de l’environnement. Il se rend au Timor-Leste, rencontrer Demetrio de Carvalho, lauréat du prix Goldman en 2004. Demetrio, l’un des fondateurs, en 1998, et directeur depuis cette date, de la Fondation Haburas, la plus ancienne et importante ONG locale environnementale, est également connu pour avoir fait partie du RENETIL, réseau d’étudiants résistants. L’action de la Fondation Haburas se focalise sur la sensibilisation et l’éducation à l’environnement naturel, basée sur des principes traditionnels de protection de « Tara bantu », sur la replantation de mangroves, sur la fabrication et diffusion de fours efficients (moins consommateurs de bois), ou encore sur le projet de tourisme éthique créé à Tutuala, situé à l’extrême est du pays, dans le parc national Konis Santana, en face de l’îlot Jaco, lieu sacré pour les communautés de Tutuala.
Sébastien Viaud publie prochainement, début décembre, en co-édition avec Anne Gouyon, un livre, « Résistants pour la terre », consacrés à ces « Goldmen ».
La "Journée Timor" a pu voir le jour grâce aux organisateurs du CinéLuso Nantes, Bertrand Tesson, délégué général et programmation, Inês Vaz, programmation et organisation, François Vincent, webmaster, communication et sous-titrage (hors films Timor), mais aussi à l’engagement et énergie de Carlos Maciel, Directeur du Festival et Directeur du Département de Portugais à l’université, et de tous les professeurs qui ont encouragé leurs étudiants à suivre ce festival, Silvia Leroy, Ciro de Morais Rego, Dora François, Sueleide Suassuna-Thin, Ana Beatriz Barel.
publié par Association France Timor Leste @ 13:47,